Groupe de Paris des Anciens Élèves du Lycée Claude-Fauriel de Saint-Étienne

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soirée du mercredi 2 avril 2014
accueil des élèves qui ont intégré une école parisienne en 2013
et dîner-rencontre avec Jean-Paul VÉZIANT, ancien ambassadeur à Kiev
sur le thème « Où va l’Ukraine ? »
 

2004, 2009, 2014 … Décidemment, tous les cinq ans, le Groupe de Paris des Anciens de Fauriel éprouve le désir d’écouter notre camarade Jean-Paul VÉZIANT sur ses sujets de prédilection.

Ancien de Fauriel, agrégé de russe et ancien élève de l’ENA, Jean-Paul VÉZIANT a notamment été diplomate à Moscou (1977-1979), puis, de 1992 à 1995,  le premier ambassadeur de France à Tachkent après l’indépendance de l’Ouzbékistan ; et, de 2005 à 2008, « ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire» de France à Kiev (Ukraine).

En 2004 notre invité était venu nous parler de « L’ambassadeur et ses métiers ». En 2009, le thème choisi était « L’Union Européenne et le gaz russe ». Et, ce 2 avril 2014, le sujet a concerné une brulante et complexe actualité : « Où va l’Ukraine ? ».

 

Et, ce 2 avril 2014, le sujet a concerné une brulante et complexe actualité : « Où va l’Ukraine ? ».

En effet, en novembre 2013, l'Ukraine, alors présidée par Viktor Ianoukovytch, décide de refuser un accord avec l'Union européenne et de « relancer un dialogue actif avec Moscou ». Commence alors en Ukraine une période de contestation qui va déboucher sur des heurts violents, le renversement du pouvoir, de vives tensions avec la Russie, et la décision de la Crimée (par référendum) de son rattachement à la Russie …

 

Nous étions une trentaine d’auditrices et auditeurs au restaurant « La Pommeraie », Paris 9ème. En début de soirée, nous avions eu la joie d’accueillir trois jeunes issus du Lycée Claude-Fauriel (Pauline Fournel, Camille May et Alexis Piot) ayant intégré de grandes écoles parisiennes.

 

En introduction de son propos, Jean-Paul VÉZIANT nous avoue avoir fortement hésité à traiter le sujet « Où va l’Ukraine ? », car le processus en cours n’est pas vraiment stabilisé : l’histoire est en train de s’écrire sous nos yeux et les lectures en sont multiples, éclairées notamment par des approches idéologiques variées.

Comme il l’avait fait lors de son précédent exposé en 2009 (« L’Union Européenne et le gaz russe »), Jean-Paul VÉZIANT distribue à chaque auditeur des cartes géographiques, en l’occurrence trois : Crimée, Ukraine, Communauté des États indépendants (CEI : entité intergouvernementale composée de dix anciennes républiques soviétiques : Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizstan).

Jean-Paul VÉZIANT s’appuie successivement sur ces trois cartes pour commencer sa conférence.

 

Principaux commentaires de Jean-Paul VÉZIANT à partir de la carte de Crimée

La Crimée a toujours eu un statut à part en Ukraine.

Cette péninsule fut longtemps grecque ; elle a aussi hébergé, au sud, des forteresses génoises, accueilli des populations bulgares, arméniennes, juives.
Au début du XIIIème siècle, la Crimée a vécu l’arrivée des Tatars de la Horde d’or (communauté d’origine turco-mongole) … bien avant celle des Russes. En 1783, la Crimée est conquise, sur la Turquie, par la Russie de Catherine II. En 1794, elle appartient à l’empire russe.
Sous Staline, en mai 1944, les Tatars sont déportés en Asie Centrale. En 1954, à la mort de Staline, les Tatars sont amnistiés, mais non réhabilités, sans autorisation de revenir. À partir de 1989/1991 commence leur retour. Aujourd’hui, 150 000 Tatars, musulmans mais très « russifiés ».
En 1954, dans le cadre de l’URSS, par décret, Khrouchtchev fait don de la Crimée, alors partie intégrante de la République de Russie, à l’Ukraine. En 1991, un referendum donne son indépendance à l’Ukraine. En 1994, le Protocole de Budapest signé par les USA, la Grande Bretagne et la Russie garantit l’indépendance, l’intégrité de l’Ukraine en échange du renoncement par l’Ukraine à ses armes nucléaires.
Jusqu’à l’été 2013, la Crimée est dans l’Ukraine. Seul point litigieux, la délimitation de la frontière maritime dans le détroit de Kertch, qui donne accès de la Mer Noire à la Mer d’Azov

 

Depuis 250 ans, la Russie a un attachement fort pour la Crimée :

La Riviera russe avec Yalta, Livadia palais de vacances pour le Tsar, villégiature pour l’aristocratie russe, lieu de séjour des écrivains et des artistes russes, mais, surtout, Sébastopol :

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grands cimetières russes, suite à la guerre de Crimée (1853 – 1856) opposant la Russie à une coalition formée notamment de l'Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni, et qui s'acheva par la défaite de la Russie

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base navale, vitale pour la Russie (accès aux Détroits et à la Méditerranée), base louée initialement par Kiev à la marine russe jusqu’en 2017, location prolongée ensuite par le président Ianoukovytch jusqu’en 2042.

Le « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée a donc décidé du rattachement de la Crimée à la Russie. Dans ses actions initiales, le nouveau gouvernement ukrainien avait commis quelques maladresses :

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menace d’annuler le statut du russe comme seconde langue

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menace de ramener le terme de la location de la base navale de 2042 à 2017

Mais il avait aussi fait preuve aussi de beaucoup de retenue face aux menées des forces spéciales russes dans la presqu’ile : la Crimée est calcaire et n’a pas d’eau, Kiev, par exemple, n’a pas menacé l’approvisionnement en eau !

 

Principaux commentaires à partir de la carte de l’Ukraine

1991 : Indépendance de l’Ukraine. L’Ukraine comporte actuellement 24 régions administratives.

À l’est et au Sud, quatre/cinq régions sont susceptibles d’être « agitées » par les Russes : Kharkiv, Donetsk, Marioupol, Zaporijjia et Odessa.

 

Principaux commentaires à partir de la carte de la CEI (Communauté des Etats indépendants)

L’Ukraine est très en retard au plan économique (appareil industriel vieilli, infrastructures dépassées). Le rapprochement de l’Ukraine avec l’Europe est confronté à de grandes difficultés. La Russie elle-même n’a sans doute pas envie d’annexer l’Ukraine et de la prendre en charge : l’Ukraine compte  46 millions d’habitants, soit près du tiers de la Russie qui compte 145 millions d’habitants.

Le président Poutine veut surtout l’établissement d’une Union « eurasienne » (actuellement Russie, Biélorussie, Kazakhstan). L’Arménie va rejoindre l’ensemble eurasien. Poutine veut restaurer l’image de la Russie, une Russie avec laquelle il faudra compter et qui doit être respectée ou, à  défaut, crainte.

 

L’histoire récente

Après le travail sur les cartes, notre conférencier reprend l’histoire récente de l’Ukraine.

Le président Viktor Ianoukovytch a été élu régulièrement en février 2010, l’emportant au deuxième tour sur Ioulia Tymochenko.

Auparavant, fin 2004, lors de la précédente élection présidentielle, des soupçons de fraude et la pression populaire de la « Révolution Orange » avaient conduit à l’annulation du résultat du second tour qui donnait vainqueur Viktor Ianoukovytch sur Viktor Iouchtchenko. La victoire était finalement revenue à Viktor Iouchtchenko qui désigna comme premier ministre Ioulia Tymochenko, femme d’affaires entrée en politique. La mésentente entre les deux « héros » de la Révolution Orange a d’’ailleurs fait le lit du retour au pouvoir de Viktor Ianoukovytch.

Dès 2005-2006, s’était engagée la négociation d’un accord d’association (création d’une zone de libre-échange), destiné à  prendre la suite du précédent accord  de partenariat et de coopération (APC) avec l’Union Européenne (UE).  Pour autant, l’Ukraine ne se voyait reconnaître nulle perspective d’adhésion à l’UE.

L’UE subordonne d’abord la signature de l’Accord d’Association à l’élargissement de Ioulia Tymochenko, embastillée  par Viktor  Ianoukovytch. À  la veille de la signature (à Vilnius sous présidence lituanienne), la Commission abandonne cette exigence : elle ne serait de toute façon pas satisfaite par Kiev, en sorte de faire porter à Bruxelles la responsabilité de l’échec attendu.

Fin octobre 2013, l’UE propose à l’Ukraine quelque  600 millions d’euros, Moscou surenchérit à 15 milliards de dollars.

Le pouvoir ukrainien refuse alors de signer avec l’UE : Bruxelles n’avait pas anticipé pareil retournement et n’avait pas de « plan B ».  Suite à ce refus, commencent de très importantes manifestations,  pro-européennes, mais tout autant  tournées contre le régime et les visées de Moscou, à partir de décembre 2013. Au fil des jours, Kiev se transforme en champ de bataille (policiers et manifestants tués ou disparus).

Le 22 février 2014 le président Viktor Ianoukovytch quitte Kiev, puis se réfugie en Russie.

 

Où en sommes – nous  aujourd’hui, au début du mois d’avril 2014 ?

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L’Ukraine est amputée de la Crimée. L’Ukraine ne peut compter sur une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU (veto russe, et abstention de la Chine).

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Une grande part du matériel ukrainien est pris par les russes (humiliation pour la Marine)

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l’Ukraine doit rembourser des milliards de dollars, notamment pour le gaz russe réévalué à des tarifs extravagants ;

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il y a du flottement au sein de l’Union Européenne et du FMI, alors que les États-Unis sont plutôt « allants » en termes de réaction. L’Union Européenne n’a pas fait la preuve de ce qu’elle serait un acteur avec lequel il faut compter.

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La Russie exerce une pression considérable pour une réforme constitutionnelle qui conduirait à fédéraliser l’Ukraine, ce qui accroîtra le risque de désintégration de celle-ci.

 

En conclusion :

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La révolte du « Maidan »  a mis, très momentanément, un coup d’arrêt à l’assujettissement par la Russie,

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Il est impossible de croire aux promesses des uns et des autres

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La Russie peut susciter des troubles dans la majeure partie du pays notamment au long d’un arc qui va de l’est de l’Ukraine à la Transnistrie, elle peut intervenir partout, avec une pression considérable, pour la fédéralisation et pour empêcher l’installation à Kiev d’un pouvoir qui serait légitimé par des élections démocratiques. La Russie ne se privera sans doute pas de ces possibilités.

Cet exposé a captivé l’auditoire qui pose au conférencier de nombreuses questions par exemple :

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La société ukrainienne n’est-elle pas très divisée (nationalistes, russophones, etc.) ?

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Que souhaite la Russie (acquérir d’autres régions ukrainiennes, maintenir le désordre, etc.) ?

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Le vote massif de la Crimée au référendum a-t-il été vraiment démocratique ?

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La langue ukrainienne a-t-elle été suffisamment enseignée par rapport à la langue russe ?

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Quelles sont les grandes figures culturelles de l’Ukraine ?

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Des sanctions internationales sont-elles possibles face à une déstabilisation de l’Ukraine ?

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Aujourd’hui où demander son visa en Crimée ?

 

 

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Au terme de la soirée, Christian VOLLE remercie chaleureusement Jean-Paul VÉZIANT pour le talent avec lequel il a su exposer de manière claire cette situation complexe.

Pierre FAYOLLE

Cartes - photo (cliquer pour agrandir)

Carte de l'Ukraine

Carte de la Crimée

Carte de la CEI Christian Volle - Pauline Fournel - Camille May - Alexis Piot