Le 9 novembre 2002, visite de la Base aérienne 921
et du Centre des opérations des Forces Aériennes Stratégiques (FAS)
En ce matin du 09 novembre 2002 et à l'initiative du Président Jean TARDY,
nous nous sommes retrouvés cinquante trois à l'entrée de la Base Aérienne
921 de TAVERNY. Il est à noter la présence de 3 de nos « cousines »,
Anciennes du lycée Honoré d’Urfé, conduites par Christiane ASTIER,
Secrétaire de leur association et venue de Saint Etienne.
Nous avons été accueillis
par le Colonel FOSLIN qui, autour d'un café, nous a expliqué le programme
de notre visite. Tout d'abord, le Général de Corps Aérien Gérard SAUCLES
nous présentera le concept national de dissuasion nucléaire et l'organisation,
l'équipement et le fonctionnement des F.A.S. (Forces aériennes stratégiques).
Ensuite compte tenu de notre nombre, nous serons séparés en deux groupes :
pendant que l'un écoutera le compte rendu d'une mission en Afghanistan à partir
d'une base située dans un pays du Golfe, l'autre visitera le Centre des
Opérations, et vice versa.
En introduction, Jean TARDY
nous présente notre Camarade le Général Gérard SAUCLES. Arrivé jeune à
Firminy avec ses parents il a
fait toutes ses études, de la sixième aux mathématiques spéciales, au lycée
Claude Fauriel avant d'intégrer l'Ecole de l'Air de Salon. Après un parcours
prestigieux, il a « atterri » à Taverny pour prendre le commandement, le
1er décembre 1999, des F.A.S. qui sont la composante aérienne de nos forces de
dissuasion.
Le Général nous fait ensuite
un exposé remarquable sur les FAS.
La Dissuasion Nucléaire
Les forces nucléaires
comprennent deux composantes, l'une maritime avec les sous–marins
nucléaires lanceurs d'engins, l'autre aéroportée, d'où deux centres et
deux états–majors. Notre propos portera aujourd’hui sur la partie aéroportée.
Dans les années 1955–1960,
une réflexion a été faite pour le choix d’un site de commandement. Parmi un
certain nombre, celui de TAVERNY a été choisi. Il occupe une surface de 43,6
hectares décomposée en trois zones : une "zone haute", une "zone de vie" et une
"zone souterraine" de 15 hectares. Cette dernière est incluse dans une ancienne
carrière de gypse (carrière souterraine et sans doute exploitée par un système
de chambres et piliers) ce qui facilite la protection face aux principales
menaces. L'exploitation du gypse se fait toujours mais l'entrée est à l'opposé
de celle de la base et, bien entendu, cette partie est isolée de la partie
militaire.
Les carrières de gypse de
TAVERNY et Bessancourt furent
mises en exploitation en 1815. Le début de leur utilisation à des fins
militaires remonte à la deuxième guerre mondiale. Les Allemands s'y installent
de 1941 à 1944 pour stocker des munitions et monter des fusées V1 et V2. En
1946, l'armée de l'air française utilise ces carrières comme entrepôt de
matériel. En 1957, le CODA (Centre d'Opérations de la Défense Aérienne) est créé
et s'installe à TAVERNY. En 1961, l'État–major du CAFDA (Commandement Air des
Forces de Défense Aérienne) le rejoint. Enfin, en 1963, le CFAS (Commandement
des Forces Aériennes Stratégiques) et son Centre d'opérations (le COFAS)
arrivent à TAVERNY.
La force nucléaire est une
arme avant tout politique. Compte tenu des caractéristiques des équipements et
des technologies mis en œuvre, il faut prendre des précautions strictes en
matière de sécurité et de protection du secret. La communication en est donc
forcément limitée.
En 1989, malgré
l'effondrement du Pacte de Varsovie, la France conserve sa défense nucléaire.
Ses missions permanentes
sont de garantir notre survie face à une puissance majeure et de dissuader toute
puissance régionale de s'en prendre à nos intérêts vitaux, en marquant, le cas
échéant, la limite de ceux–ci.
Pour tenir ce contact, il
faut avoir une planification opérationnelle, des moyens associés et des délais
d'exécution.
La responsabilité d’un
commandant de forces nucléaires est de garantir qu'en permanence tous les
moyens prévus dans la planification sont capables d'effectuer leur mission selon
les directives du Président de la République.
Une déclaration
présidentielle a été faite le 18 juin 2001 devant l'I.H.E.D.N. (Institut des
Hautes Etudes de Défense Nationale). Il a été rappelé, à cette occasion, que
nous avons été la première puissance à éliminer les systèmes sol–sol, à ratifier
en avril 1998 le traité d'interdiction des essais nucléaires, à entreprendre le
démantèlement de notre centre d'expérimentation du Pacifique et des
installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires
(Centres de PIERRELATTE
et
MARCOULE).
La dissuasion nucléaire, qui
est une opération en cours au service de la paix, comprend donc après la
suppression des missiles sol–sol (plateau d'ALBION) :
Celle–ci apporte une
diversification des modes d'assaut, une souplesse dans la planification et des
possibilités de manœuvres démonstratives (notamment l’alerte en vol). Elle a une
signification politique, le stationnement et le déploiement se font sur le
territoire national. Nous sommes le seul pays européen à disposer de cette
composante. De plus, si besoin, certains moyens, en particulier les avions,
permettent le renforcement des capacités conventionnelles des armées. Compte
tenu de cette polyvalence, le coût d'acquisition et d'entretien est
relativement réduit. On doit adapter les systèmes à ce que veulent les
politiques. Enfin, les systèmes de transmission sont très importants mais ils
sont tous spécifiques et sécurisés.
Un contrôle gouvernemental
strict encadre la mise en œuvre des équipements. La responsabilité en incombe à
de hauts responsables nommément désignés.
En particulier,
l'utilisation des armes nucléaires est impossible sans un ordre légitime du
Président de la République. Lors des vols d'entraînement, les missiles, mis sous
les avions, n'ont aucune charge nucléaire mais ont un poids correspondant.
Les Forces aériennes
stratégiques comprennent environ 2300 personnes (Officiers, Sous-Officiers et
militaires du rang engagés).
Un point essentiel, dans la
mise en oeuvre, est la sécurité nucléaire. On peut dire que les mesures prises
touchent cinq aspects :
¨
protection
radiologique des personnes,
¨
protection de
l'environnement,
¨
sûreté des
installations et des transports de matière,
¨
protection et
contrôle des matières nucléaires,
¨
conduite à
tenir en cas d'accidents ou d'incidents.
Mission de Reconnaissance
Il s'agit d'une mission
effectuée, dans le cadre de l'Opération Héraclès au-dessus de l'Afghanistan, au
cours de l'année 2001. Cette mission nous a été présentée par un colonel et un
capitaine, ce dernier ayant fait partie de la mission.
Une équipe de 35 à 40
personnes s'est retrouvée, dans un pays du Golfe, sur une base équipée
spécialement pour elle par du matériel arrivant de France. En plus du matériel
de logistique et de transmission, des Mirage IV et des avions ravitailleurs C
135 étaient sur place.
Le travail des Mirage
consistait à prendre des photos de certaines zones d'Afghanistan. Pour ceci, ils
étaient équipés de caméras à focales de 150 ou de 600. Les caméras de 150
donnent des images de 22 x 22 cm. Quant à celles de 600, elles donnent des
images de 11 x 11 cm représentant sur le sol une surface de 11 x 11 km.
Les photos obtenues sont
examinées par des officiers interprètes photos et par des officiers de
renseignement avant d'être envoyées, par des moyens sécurisés, aux demandeurs
français ou étrangers ( U.S.A.), dans le cadre de la coalition.
Les premières photos, avec
leurs résultats et interprétations, sont envoyées trois heures après
l'atterrissage des appareils, par une chaîne de transmission nationale.
Il faut noter la qualité des
focales de 600 qui donnent des photos de haute précision même après un
agrandissement de 16.
Le Centre des Opérations
Nous sommes reçus par un
colonel accompagné d'un capitaine et d'un adjudant–chef. Le personnel du centre
reste plusieurs jours sans sortir (compte tenu du 11 novembre, le personnel que
nous avons eu ne ressortait que le mardi).
Pendant notre visite, le
Centre continuait à fonctionner normalement, mais compte tenu du week–end,
l'activité était légère.
Le Centre reçoit en temps
réel, par des transmissions de dernière génération la situation des différentes
escadrilles dépendant des Forces stratégiques, la position des appareils
(disponibles, en mission avec le numéro de l'avion de tête,)
Il connaît aussi en temps
réel, la position des satellites ou autres engins survolant le territoire
français.
C'est lui qui donne les
ordres aux unités et/ou aux avions en vol – en fonction des ordres reçus des
hauts responsables.
Pour des raisons de liaisons
internationales, le Centre marche à l'heure G.M.T.
Un deuxième Centre,
identique à celui ci, existe sur la Base Aérienne 942 de
Lyon–Mont Verdun. Normalement, il
est en veille mais peut être activé très rapidement. Si le Centre de
Taverny a profité d'une ancienne
carrière de gypse, donc d'une certaine couche de calcaire, celui du
Mont Verdun a été creusé dans le
granit des Monts du Lyonnais.
Après toutes ces
explications et visites, nous nous sommes retrouvés dans les salons de la base
pour un cocktail déjeunatoire qui nous a permis de continuer les discussions,
surtout pendant l'apéritif et le café.
Nous avons ainsi passé une
excellente journée et appris beaucoup de choses.
Au nom de tous les
participants, Jean TARDY remercia très chaleureusement le Général Gérard SAUCLES
pour son accueil, sa disponibilité et la qualité des explications qu'il nous a
fournies au cours de cette journée qui fut enthousiasmante. Nos remerciements
iront aussi au Colonel FOSLIN
pour l'organisation de notre visite, nous n'avons jamais eu de temps morts.
Enfin nous n'oublierons pas la disponibilité et la gentillesse de tous les
officiers et sous–officiers que nous avons rencontrés, en particulier dans la
partie souterraine. Ils ont toujours répondu aux questions que nous pouvions
leur poser alors que, comme dans le Centre de commandement, le travail normal
continuait.
Jean
ASTIER
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Michel RITZ, Gérard SAUCLES, Jean TARDY, Gérald NELKEN |
Gérard
SAUCLES Jean TARDY |
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Une assistance
attentive |
Le Colonel
FOSLIN s'adresse à une partie des participants |
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