soirée du lundi 8 mars 2004
Dîner-rencontre avec Lucien NEUWIRTH
compte-rendu de la soirée
Le lundi 8 mars 2004 à 19h, au restaurant
“ Le Grenadier ”, à la Gare d’Austerlitz, plus de cinquante personnes étaient
venues à l’invitation du Groupe de Paris des Anciens de Fauriel. L’importance de
l’affluence était à la hauteur du prestige de l’invité de la soirée, Lucien
NEUWIRTH.
En préambule, Jean TARDY, président du
Groupe de Paris a présenté plusieurs des participants : Geneviève MAGAND,
proviseur adjoint du lycée Honoré d’Urfé est venue spécialement de
Saint-Étienne ; elle est accompagnée de Pusphpa Raffier jeune ancienne de
Fauriel. D’autres membres ayant récemment rejoint le Groupe de Paris sont
également présents : Vivian SAMINADEN, Charles BRUNCO et son épouse Marie-Hélène
MARTINEZ. Jean TARDY présente ensuite les membres du bureau : Philippe BARBUT
(trésorier), Christian VOLLE (webmestre de
http://fauriel.paris.free.fr), Colette BERGER (chargée de la communication
et de l’organisation de l’hébergement des étudiants lors des oraux), Gaston
ALEXANDRE, Michel RITZ (photographe de la soirée), Alain TIRARD (infatigable
apporteur d’idées pour l’organisation de soirées ou de visites), Jean-Noël
FOREST, Pierre-Marie VERCHÈRE (organisateur de la visite de la tour de contrôle
d’Orly). Jean TARDY fait ensuite une mention spéciale pour le remarquable
travail accompli par le couple Émilie PLOTON – Alexis WAECHTER pour l’accueil
des étudiants de Fauriel arrivant à Paris. C’est notamment grâce à leur action
que la soirée d’accueil organisée en décembre a connu une forte participation et
que ce soir huit étudiants sont présents.
Le résistant - le Français libre
1940 - 1941
Après une rapide évocation de ses souvenirs
relatifs à son passage au Lycée Claude Fauriel, Lucien NEUWIRTH en vient à juin
1940. Âgé de 16 ans, il se trouve à ce moment là à Yssingeaux où sa mère tient
une boutique ; il voit passer les réfugiés poussés sur les routes par l’exode
provoqué par l’avancée des troupes allemandes.
Un jour, en compagnie de sa mère, il entend à la radio anglaise un discours en
français qui le soulève d’enthousiasme et d’émotion ; ce n’est qu’à la fin du
discours qu’il entend le nom du locuteur : il s’agit bien évidemment du Général
de Gaulle. Lucien NEUWIRTH envisage dès ce moment de rejoindre le Général de
Gaulle, mais il doit y renoncer dans un premier temps en raison des difficultés
matérielles.
En septembre 1940, Lucien NEUWIRTH regagne
Saint-Étienne. Avec des amis partageant ses convictions, il commence à
constituer un petit groupe, puis il remarque dans le journal « La Tribune »,
des articles toniques signés « Top ». Lucien NEUWIRTH se rend au journal pour en
rencontrer l’auteur ; c’est ainsi qu’il fait connaissance avec Jean NOCHER
autour de qui va se constituer le groupe Espoir et s’organiser la publication du
journal clandestin du même nom.
1942 - 1943
En 1942, l’étau de la police de Vichy se resserre : Jean Nocher est arrêté et
Lucien NEUWIRTH prend la décision de partir pour l’Espagne, comptant de là
gagner le Portugal puis l’Angleterre. Dans le train Lucien NEUWIRTH rencontre un
aviateur qui portait une croix de Lorraine à sa montre. Celui-ci lui donne une
recommandation pour sa belle-mère qui réside à Saint-Girons en Ariège. Grâce au
concours de cette dernière Lucien NEUWIRTH est mis en relation avec un passeur.
Leur groupe d’une douzaine de personnes entreprend de passer la frontière dans
la nuit de décembre (l’expression « il n’y a plus de Pyrénées » est alors
apparue tout à fait inappropriée …). Le passeur a ensuite été arrêté et fusillé
ainsi que le responsable de la résistance de Saint-Girons.
Peu de temps après un repas servi par une
espagnole, Lucien NEUWIRTH a été arrêté par deux gardes civils espagnols. Emmené
au poste il y fait la connaissance de deux ouvriers de chez Renault à qui il
conseille de se faire passer pour des canadiens français ; Lucien NEUWIRTH
choisit de se faire passer pour américain (Lionel Newton pour garder les mêmes
initiales) car il maîtrise bien l’anglais. Ce subterfuge est destiné à éviter
d’être remis aux allemands, sort systématiquement réservé aux français arrêtés
près de la frontière par les espagnols.
Ensuite, ce furent les prisons de Lérida et de Saragosse. À Lérida, c’est
l’ancien séminaire qui servait de prison ; il se trouvait dans le quartier chaud
de la ville. La seule touche positive fut le passage chez le coiffeur : celui-ci
ayant officié à Saint-Étienne Lucien NEUWIRTH a échappé à la boule à zéro
intégrale….
À Saragosse le convoi est passé devant la cathédrale le soir de Noël ; les
prisonniers ont dans un premier temps été enfermés dans une pièce servant de
dépôt de cercueils.
La destination finale était le sinistre camp de concentration de Miranda de
Ebro. Lucien NEUWIRTH y séjourna plusieurs mois, considéré comme ressortissant
américain. À force de démarches du consul des États-Unis, une quinzaine
d’américains (ou assimilés) ont été libérés par les espagnols. Le consul a loué
une locomotive, un tender et un wagon pour assurer l’acheminement des libérés
jusqu’à Algésiras. D’Algésiras un car les conduisit ensuite à Gibraltar,
territoire britannique, synonyme de liberté. À la vue de la sentinelle anglaise,
submergé par l’émotion, Lucien NEUWIRTH a pleuré.
Après un bref séjour à Gibraltar Lucien NEUWIRTH a ensuite gagné l’Écosse à bord
d’un bateau venant d’Afrique du Sud puis il est arrivé à Londres à bord d’un
train. En descendant du train Lucien NEUWIRTH constata que la locomotive était
conduite par une femme ; ce n’était que l’une des premières surprises que lui
réservait une Angleterre résolument engagée dans la guerre.
Dirigé vers les Forces Françaises Libres,
Lucien NEUWIRTH souhaitait devenir pilote. Apprenant que cela nécessitait une
formation de 9 mois au Canada et soucieux de se battre au plus tôt contre les
Allemands, Lucien NEUWIRTH opta pour les paras de la France Libre, plus
précisément les SAS (Special Air Services).
1944 - 1945
En juin 1944 Lucien NEUWIRTH a été parachuté
dans le Morbihan. Après avoir retrouvé avec émotion le sol de France, il se
livre avec son commando à des actions de harcèlement visant à empêcher les
Allemands de se réorganiser. Il participe ensuite aux combats de la libération
de la France.
Au cours du rude hiver 1944-1945, Lucien NEUWIRTH fait partie des forces qui
s’opposent à la contre-attaque menée par les Allemands dans les Ardennes.
Après une permission, Lucien NEUWIRTH rejoint son unité début avril 1945 pour
participer à la dernière opération aéroportée de la guerre. Le 7 avril il fait
partie des SAS parachutés en Hollande à l'arrière des lignes allemandes. Les
mauvaises conditions météo perturbent leur largage et ils se retrouvent
dispersés, loin de leur cible initiale. Le commando de Lucien NEUWIRTH est
accroché par une unité allemande à laquelle ils font subir de lourdes pertes.
Ayant épuisé leurs munitions, ses compagnons et lui sont contraints de se
rendre. Au mépris de toutes les lois de la guerre, Lucien NEUWIRTH et ses
compagnons sont immédiatement alignés face à un peloton d'exécution qui ouvre le
feu. Lucien NEUWIRTH n'étant que blessé, un officier allemand s'approche avec
son revolver pour le coup de grâce qu'il lui tire en plein coeur. Lucien
NEUWIRTH s'écroule. Plus tard, en prise à de vives douleurs au thorax, il
reprend ses esprits : il a miraculeusement survécu car la balle a ricoché sur
les pièces de monnaie qu'il avait gardé par le plus grand des hasards dans le
portefeuille qu'il portait sur sa poitrine (l'usage était qu'avant de partir en
opérations, les paras donnaient leur monnaie à leurs copains qui restaient, à
charge pour ceux-ci de boire un coup à leur santé ; lorsque le chargé de la
collecte était venu à lui, Lucien NEUWIRTH avait déjà revêtu son lourd
harnachement et n'avait pas voulu se livrer à une séance de
déshabillage-réhabillage). Il a ensuite été fait prisonnier par d'autres
allemands plus respectueux des lois de la guerre.
Il s’est ensuite évadé et a regagné les
lignes alliées. Sa mère qui avait été informée de ce que son fils était mort
pour la France a reçu le télégramme annonçant son retour au moment où elle
s’apprêtait à faire teindre en noir ses vêtements….
L'homme politique
La paix revenue, fort de l’incomparable
expérience humaine acquise au cours des années de guerre, Lucien NEUWIRTH
revient à la vie civile.
En 1947, il se présente aux élections
municipales sur la liste conduite par Alexandre de Fraissinette. Élu en 5ème
position grâce au dispositif des « signes préférentiels » en vigueur à l’époque
et devient adjoint au maire. Il participera au Conseil municipal jusqu’en 1965.
En 1958, il se rend en Algérie pour une période effectuée en tant qu’officier de
réserve. Présent en mai 1958 à Alger, il devient membre du comité de salut
public d’Algérie.
En novembre 1958, à la demande du Général de
Gaulle, il se présente aux élections législatives et devient député de la
Loire. Il le
restera jusqu’en 1981, en assurant de 1962 à 1975 les fonctions de Questeur
(administration de l’Assemblée Nationale).
Il deviendra ensuite sénateur de la Loire de 1983 à 2001 ; il y exerce également
les fonctions de Questeur de 1989 à 1998.
Au-delà de son rôle dans la gestion des deux
assemblées parlementaires, Lucien NEUWIRTH s’est surtout passionné pour son rôle
de législateur.
Il s’est notamment fortement impliqué dans la préparation d’une loi relative à
la protection des sous-traitants.
Ensuite il a dépensé beaucoup d’énergie pour
arriver à faire voter la loi sur la contraception en 1967. Plus tard il a été
l’instigateur des lois sur la prise en charge de la douleur (1995) et sur les
soins palliatifs (1999). Parallèlement il a constamment défendu les intérêts de
la région stéphanoise, en obtenant notamment la création d’une faculté de
médecine à Saint-Étienne (à laquelle les patrons lyonnais étaient à l’origine
hostiles).
Ayant rempli ses divers mandats, Lucien
NEUWIRTH est aujourd’hui en retraite, mais son goût du travail étant connu de
beaucoup, sa disponibilité est largement sollicitée par ses nombreux amis.
Au terme de son exposé, Lucien NEUWIRTH a
ensuite répondu à plusieurs questions d’une assistance captivée.
Jean TARDY a ensuite vivement remercié Lucien NEUWIRTH pour la
chaleur et la richesse de son intervention. Jean TARDY a également précisé les
prochains événements organisés par le Groupe de Paris (visite d’une usine de
déshydratation de luzerne en juin, visite d’une sucrerie en octobre, visite
d’une cuisine centrale de restauration en novembre, accueil des Étudiants qui
auront intégré une Grande École parisienne en 2004 avec l’intervention de
François RUDE, rédacteur en chef de la revue Icare, ancien Commandant de
Concorde sur le thème « Carrière de pilote ».
Christian VOLLE
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Jean TARDY
accueille Lucien NEUWIRTH |
Lucien NEUWIRTH pendant son intervention |
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