soirée du mercredi 13 juin 2007
dîner-rencontre avec Frédérique DREIFUSS-NETTER
« Droit, éthique et décision médicale »
compte-rendu de la soirée
Le
Président Jean Tardy, qui dédie cette soirée à Gérald Nelken,
accueille chaleureusement Frédérique Dreifuss-Netter, qui fut stéphanoise
pendant 21 ans et aime Saint-Étienne. Professeure agrégée des facultés de
droit, elle dirige depuis 1998 le Centre de Recherches en Droit Médical de
l’Université Paris V Descartes.
Parmi ses nombreuses activités, elle a entre autres participé à la fondation du
Centre d’Éthique Clinique (CEC) à l’hôpital Cochin.
Nul
ne pouvait mieux que Mme Dreifuss-Netter nous éclairer sur la question délicate
de la dimension humaine quand on est en fin de vie. Plusieurs textes montrent
les changements profonds survenus dans la décision médicale :
En
1950, un membre du Conseil de l’Ordre des médecins écrivait au sujet du Code de
déontologie: « Le patient est un être à peu près aveugle, très douloureux et
essentiellement passif ». Le médecin doit assumer entièrement les décisions.
La relation médicale est « une confiance qui rencontre une conscience ».
En
1995, on pouvait lire en commentaire du même code : « Respecter la dignité du
patient, c’est lui proposer et non lui imposer une séquence diagnostique ou
thérapeutique », d’où la nécessité d’un consentement éclairé de la part du
patient.
Depuis 2002, l’article 1111-4 du Code de la santé publique (Loi Kouchner)
dispose : – « Toute personne prend, avec le professionnel de santé, et compte
tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions
concernant sa santé. »
De
la décision médicale imposée, on est donc passé à la co-décision, voire la
décision assumée par la personne malade (que la loi nouvelle n’appelle pas le
patient). Le rôle du médecin est d’informer et de conseiller le malade pour lui
permettre d’exercer son choix dans les meilleures conditions.
En
avril 2005, la loi Léonetti renforce l’autonomie de la personne dans le domaine
de la fin de vie.
Mais
le droit demeure insuffisant pour résoudre toutes les situations concrètes.
Parfois sont soulevées des questions éthiques très difficiles.
L’éthique à l’origine du droit récent
relatif à la décision médicale.
La
prise en compte de l’autonomie de la personne malade est le principe,
mais elle n’exclut pas que la décision appartienne, au final, au médecin dans
certains domaines.
Prise en compte de l’autonomie :
1)
Information de la personne malade (et non pas de
ses proches) aussi complète que possible, sauf si la personne refuse d’être
informée ou est inconsciente. L’information doit être adaptée à sa
compréhension.
2)
Possibilité de désigner une personne de confiance,
qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant.
3)
Droit de refuser des traitements. Le médecin doit
respecter la volonté de la personne. Si cela met sa vie en danger, il doit tout
mettre en œuvre pour la convaincre.
Mme Dreifuss-Netter donne quelques exemples – en particulier
celui de Vincent Humbert, totalement paralysé, muet, aveugle, sourd, mais
conscient. Il a exprimé sa volonté de mourir.
Avant l’entrée en vigueur de la loi Léonetti, sa mère pour lui
avoir porté assistance, puis le médecin réanimateur pour avoir procédé à une
injection mortelle, ont fait l’objet d’une procédure pénale qui s’est terminée
par un non-lieu.
Afin
de faire connaître ses souhaits en matière d’arrêt ou de limitation des
traitements au cas où elle serait hors d’état d’exprimer sa volonté. Toute
personne majeure peut depuis 2005 rédiger des directives anticipées
La
prise en compte de l’autonomie de la personne malade n’empêche pas que certaines
décisions reviennent, en fin de compte, aux médecins. Il en est ainsi notamment
en cas d’arrêt ou de limitation des traitements en dehors de la volonté exprimée
par la personne.
Nécessité de l’éthique dans le processus de prise de décision.
« Ce
qui n’est pas scientifique n’est pas éthique » disait J. Bernard. La mise en
œuvre d’une démarche scientifique rigoureuse est la première exigence de
protection des personnes malades.
Mais
il existe encore des secteurs – procréation, néonatologie, fin de vie, soins aux
personne âgées, greffes d’organes, psychiatrie, neurologie – où le médecin se
trouve confronté à de véritables cas de conscience.
À
Paris, Frédérique Dreifuss-Netter a participé à la fondation du premier Centre
d’Éthique Clinique (CEC) à l’Hôpital Cochin. Le centre est saisi à l’occasion
d’une décision éthiquement problématique, à l’initiative de médecins, ou de
patients, ou de leur famille.
Les rapports entre le droit et l’éthique sont complexes. La loi ne doit pas
constituer un alibi pour se dispenser de la réflexion éthique. Celle-ci permet
parfois de choisir entre plusieurs situations autorisées par la loi. Mais il
arrive que la conscience individuelle de certains praticiens les conduise à
transgresser la loi, ce qui peut entraîner une relance du débat public. La
législation sur l’interruption de grossesse en 1975 en a été un bon exemple.
L’exposé clair et fouillé de Frédérique Dreifuss-Netter a donné lieu à nombre de
questions, en particulier sur la formation des médecins à tous ces problèmes.
Elle a mentionné l’existence à la faculté de médecine de Paris V d’un diplôme
d’éthique médicale du 3ème cycle.
Souhaitons que l’éthique soit de plus en plus présente dans le processus de
décision sur ce sujet délicat, complexe et proche de nous. C’est ce qu’exprima
Jean Tardy après avoir remercié Frédérique Dreifuss-Netter pour le grand
intérêt de sa conférence.
Suzanne Zarembovitch
 |
 |
Jean TARDY
Frédérique DREIFUSS-NETTER |
Une assistance attentive |
|