| |
soirée du mercredi 17
novembre
2010
dîner-rencontre avec Angel MPHANDE-RITZ
« Fabrication, installation et
exploitation des plateformes pétrolières »
compte-rendu de la soirée
Ambiance passionnée
ce 17 novembre au restaurant La Pommeraie. Angel MPHANDE-RITZ, est venu
nous faire partager son expérience de l'extraction pétrolière offshore, une
industrie de pointe mise sous les feux des projecteurs après le tragique
accident sur le puits de Macondo dans le golfe du Mexique, en avril 2010.
Angel, neveu de
notre camarade Michel RITZ, est né en 1970 à Lusaka en Zambie, et arrive à
Saint-Étienne à l'âge de 19 ans. Après des études d'ingénieur à l'INSA de Lyon,
il rejoint la compagnie de services pétroliers Schlumberger en 1996, pour
laquelle il travaillera 5 ans sur des plateformes de forage offshore. Chez
Schlumberger la formation consistait à occuper tous les postes en commençant par
être peintre (indispensable pour protéger la plateforme de la rouille) et en
passant par le plancher, les postes de mécaniciens, électricien, et barge puis
en tant qu'ingénieur forage. Depuis 2001, il travaille pour la société Technip à
la Défense, en tant que manager de projet dans la construction de pipelines.
C'est avec beaucoup de générosité et de professionnalisme qu'Angel va captiver
son audience au cours d'une soirée que nous ne sommes pas prêts d'oublier.
Pourquoi l'offshore ?
La raréfaction
progressive des ressources sur terre pour des raisons à la fois géologiques et
politiques (nationalisations au Moyen-Orient) a poussé les pays consommateurs
à aller chercher le pétrole au large de leurs côtes. À l'avant-garde de ce
mouvement, les Anglais en Mer du Nord, et les Américains dans le golfe du
Mexique, ont favorisé l'extraction de ces réserves, moyen d'assurer leur
indépendance énergétique.
Qu'est-ce qu'une plateforme ?
On distingue les
plateformes de production, qui appartiennent généralement à l'opérateur (BP,
Exxon, Total...), et qui ont vocation à être présentes pour la durée de vie du
champ, et les plateformes d'exploration ou de forage, qui appartiennent à un « contracteur »,
et sont généralement louées pour la durée de forage des puits.
Une plateforme de
production sert à récupérer et traiter le pétrole. On y relie les différents
puits ayant été forés dans le champ de pétrole. Certains puits peuvent se situer
à 30 kilomètres de la plateforme. En effet, l'importance des installations et le
coût d'une plateforme poussent à rattacher un maximum de puits afin de maximiser
la rentabilité du projet. Certaines plateformes ont même la possibilité de
décharger le pétrole directement en mer, les tankers venant prélever leur
cargaison sans que le pétrole n'aille onshore. Des problèmes d'infrastructures
dans certains pays, ou de sécurité (terrorisme) poussent les compagnies à
s'adapter et à effectuer le maximum d'opérations en mer.
On distingue
plusieurs types de plateformes de production, qui varient en fonction de la
profondeur des eaux. Ainsi, une « Jacket », dans des eaux peu profondes de moins
de 300 mètres sera posée et fixée par des pieux sur la plancher océanique, alors
qu’un FPSO (Floating, Production, Storage and Offloading) est un bateau, ancré,
qui pourra opérer dans des environnements beaucoup plus profonds.
Une plateforme de
forage sera utilisée pour des puits d'exploration (à partir de données sismiques
par exemple), ou pour des puits de développement, quand un champ a été découvert
et nécessite le forage de plusieurs puits afin d'extraire le pétrole de la
formation. On distingue les Jack-up, plateformes autoélévatrices utilisées quand
la profondeur de l'eau est de moins de 150m ; les semi-submersibles, plateformes
ancrées ; et les drillships, bateaux dont le positionnement se fait de manière
dynamique. Aller de plus en plus loin et dans des conditions d'extraction de
plus en plus difficiles a évidemment un coût. Une plateforme de forage en eaux
profondes peut ainsi se louer plus de 500 000$ par jour, quand une jack-up
coûtera quelques dizaines de milliers de dollars.
La vie à bord
La vie à bord se
fait de manière alternée en fonction de l'éloignement des côtes. Les rotations
sont ainsi de deux à cinq semaines à bord, suivies de la même durée à terre.
À bord, la journée
de travail dure 12 heures. Les employés sont nourris, logés, blanchis. Une
plateforme est une ville où peuvent vivre 100 personnes pour une plateforme de
forage et 250 pour une plateforme de production. L'essentiel des effectifs est
bien entendu dédié à l'activité principale de forage, mais un capitaine, un
médecin, des cuisiniers, entre autres, sont également indispensables. L'arrivée
à bord se fait soit par hélicoptère (Mer du Nord) ou par bateau (trajet de 8
heures en Angola par exemple). Enfin, de nombreuses activités de divertissement
sont présentes à bord (télévision satellitaire, salle de sport, sauna...), en
revanche, l'alcool est interdit !!
Le forage
Le forage consiste
à faire descendre des tiges de forage munies d'un trépan (« drillbit ») à
l'intérieur desquels circule une boue de forage. Cette boue qui lubrifie le
trépan, est un élément clé, car elle permet de maintenir une pression
hydrostatique à l'intérieur du puits, et d'empêcher les fluides présents dans
les formations traversées de remonter. En remontant dans le puits jusqu'à la
surface, cette boue permet également d'évacuer les copeaux formés dans le
forage, et enfin de donner les premières indications quant à la présence de
pétrole.
Au cours du forage,
plusieurs zones sont traversées (eau, sable, granit...). Au fur et à mesure de
la construction du puits, on descend ainsi des tubes en acier qui isoleront les
différentes formations. Du ciment est pompé entre ce « casing » et les parois du
puits, afin de fixer le tubage. Enfin, un « BOP » (Blow-Out Preventer) est
installé en tête de puits. Cet équipement important de sécurité permet de fermer
le puits manuellement ou automatiquement en cas de remontée inattendue de
pétrole.
Une fois le puits
terminé, on pourra tester les différentes zones traversées en perforant le
tubage (par des explosifs directionnels) et en réalisant des tests d'écoulement.
Ceux-ci permettront de déterminer la qualité du pétrole ou encore la taille du
réservoir.
Macondo ou l'exemple d'un forage
qui tourne mal
Le puits de BP, du
nom de Macondo, s'est écoulé pendant des mois sans que rien ne puisse l'arrêter
et a provoqué une marée noire gigantesque dans le golfe du Mexique. D'après les
premiers éléments de l'enquête, le ciment qui a été coulé lors du tubage ne se
serait pas figé car de composition inadaptée, et le puits n'aurait ainsi pas été
correctement consolidé. Par ailleurs, les tests réalisés n'auraient pas détecté
l'entrée d'hydrocarbures dans le puits. Enfin, lorsque des hydrocarbures sont
entrés dans le puits, le Blow Out Preventer ne s'est pas déclenché
convenablement.
En remontant, le
gaz s'est détendu, ce qui a conduit à vider le puits de sa boue. La pression ne
s'exerçant plus à l'intérieur, la maîtrise du puits a été totalement perdue et
le gaz puis le pétrole sont remontés rapidement à la surface. Les équipes ont
réussi à dévier le gaz, mais celui-ci, projeté en altitude, est retombé sur la
plateforme, qui a pris feu malgré les nombreuses mesures de sécurité, ce qui a
finalement conduit à l'explosion.
Au final, le Blow
Out Preventer ne s'étant pas déclenché, les équipes de BP ont réussi après de
longs mois à mettre en place une cloche au-dessus du puits pour contenir le
pétrole. In fine, c'est le forage d'un puits dévié et l'injection de boues très
denses qui ont permis de tuer » le puits et de le boucher définitivement.
La justice fixera
les responsabilités ainsi que les amendes dans le jugement des trois parties
impliquées dans cette catastrophe: BP, en tant qu'opérateur de la plateforme,
devrait payer le gros de la facture, mais ses partenaires dans le champ,
Anadarko et Mitsui, ainsi que les
« contracteurs » américains
Halliburton (qui se chargeait de la cimentation du puits) et Transocean
(propriétaire de la plateforme) pourraient probablement être impliqués
également.
Encore merci à
Angel pour nous avoir éclairés sur ce sujet passionnant !
Raphaël MOREAU
photos de la soirée (Pierre Allemand)
|
|
Angel
MPHANDE-RITZ |
Raphaël
MOREAU |
|